Bien que les rabassiers ne cavent pas à proprement parler de truffes dans Valence intra muros, cette dernière – en tant que préfecture de la Drôme – souhaite mettre en avant ce département qui en est le premier producteur hexagonal. N’en déplaise à la Dordogne !
Si d’aucun associent d’emblée la truffe à la Dordogne, c’est bien le département auvergnat rhônalpin qui en est aujourd’hui le premier producteur avec plus des deux tiers de la production hexagonale 55 tonnes annuelles produites officiellement affirme les syndicats locaux des trufficulteurs.
Des chiffres difficiles à analyser et même vérifier, tant il est vrai que les conditions météorologiques ont une importance considérables sur la production (comme pour cette saison 2019-2020 par exemple où la production ne pourrait sans pas dépasser les 15 tonnes !) et que le commerce se fait aussi de la main à la main.
Les chiffres officiels de France Agrimer n’étant pas toujours corroborés par ceux des syndicats.
Alors quoi de plus parlant malgré tout que d’organiser la Fête de la Truffe au cœur de la capitale drômoise, par ailleurs proches de deux autres départements producteurs, le Vaucluse et les Alpes de Haute-Provence ?
La troisième édition «La truffe, une planète à explorer» s’est donc déroulée sous chapiteau sur le Champ de Mars les 20 et 21 janvier derniers (sous fond de vitupérants gilets jaunes…) mettant ainsi ce champignon à l’honneur, avec vente, démonstrations gastronomiques avec 5 cuisiniers étoilés ou de chiens truffiers, exposition du terroir et
bien entendu vente du précieux diamant noir, dont le prix à cette occasion oscillait entre 85€ et 95€ les 100 grammes, selon la qualité (1er choix, extra).
Alors comment bien débuter un week-end truffe en Drôme ?
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La truffe
Ce champignon rare appartenant à la classe des Ascomycètes et faisant partie de la famille des Tuberaceae (genre tuber) se trouve essentiellement au pied d’arbres truffiers, chênes (pour l’essentiel), pins, noisetiers, tilleuls… et s’il existe de très nombreuses variétés, seules une dizaine sont consommables, dont la fameuse Tuber
Melanosporum ou encore la Tuber Brumale. Surtout ne pas confondre ces beautés gourmandes avec la Tuber Indicum de Chine…
Si en général c’est en avril que le mycelium colonise les spores et induit également les micorhyses, c’est en novembre que l’on peut commencer le cavage, bien que la période idéale s’inscrive de décembre à février-mars.
On a l’habitude de dire que le monde de la truffe est un monde discret, pour ne pas dire secret, dans lequel les transactions se font de main à la main et en espèces, donc sans tracabilité.
Une démarche qui a la vie dure et que veulent combattre les trufficulteurs (rabassiers) en particulier lors de marchés officiels qui se déroulent sous l’égide de leur syndicats (trois en Drôme) ou encore de la Fédération Rhône-Alpes.
Au delà de ces traditionnels marchés (Richerenche, Saint-Paul-Trois-Châteaux, Grignan-les-Adhémar ….) c’est aussi à la défense et à l’amélioration des champignons que s’emploient les syndicats.
Ainsi lors des marchés, des référents vérifient toutes les truffes commercialisées en faisant au couteau une mini incision.
Seules celles sélectionnées et « approuvées » sont alors vendues et classées par catégorie.
D’aucun proposent même de rembourser ou d’échanger – sous 7 jours – si elles ne sont pas conformes.
Pour mémoire, la trufficulture qui fait partie intégrante du patrimoine culinaire français est, en matière quantitative, bien loin des scores du XIXe siècle, à savoir quelques 1 000 tonnes, pour environ 55 tonnes donc en 2019 !
A l’heure actuelle, la production mondiale s’établirait aux environ de 100 tonnes par an dont près de 99% pour la France, l’Italie et l’Espagne.
Quant aux principales espèces, elles ont pour nom: tuber uncinatum (truffe dite de Bourgogne), brumale, aestivum (truffe d’été), mesentericum ( truffe mésentérique) ou encore la truffe noire dite de Provence ou du Périgord (tuber mélanosporum).
Gastronomie et mise en bouche…
A n’en pas douter, l’idéal est bien de passer par Scook l’école de cuisine d’Anne-Sophie PIC – la référence gastronomique drômoise – pour apprendre à cuisiner des filets de pintadeau ardéchois truffés, avec un risotto parfumé à l’huile de truffe et sa sauce suprême.
Certes l’opération culinaire peut sembler délicate notamment pour lever les filets et les escaloper avant de les truffer généreusement puis de les rouler sous film alimentaire en forme de saucisson, mais le chef Bastien saura vous guider pas à pas pour faire de vous le spécialiste en la matière.
Chapeau à ce jeune chef passionné, didactique et tout à la fois convivial. « La passion selon Pic ! »
Le jeu en vaut vraiment la chandelle, car non seulement après l’avoir réalisé vous-même vous vous régalerez en dégustant ce mets délicat, goûteux et mœlleux, mais vous apprendrez une recette que vous pourrez refaire à l’envie à l’endroit de vos amis.
Alors question gastronomie, la truffe peut enluminer et sublimer de très nombreux plats, risotto, pâtes, volailles, homard, soupe VGE façon Paul Bocuse, cailles farcies, fromages entrelardés, voire des omelettes (enfermer quelques jours vos œufs frais dans un bocal avec une ou plusieurs truffes et faites l’omelette après) ou même des
glaces. Sans oublier pour les lyonnais les saucissons à cuire truffés et pistaches ou encore les fois gras truffés.
La truffe, une planète à explorer
Tel un diamant, noir s’entend !, la truffe a cette année encore donc attiré nombres de visiteurs (près de 17 000) sur l’esplanade à Valence pour un week-end à la fois gourmand, convivial et ludique.
Outre les rabassiers, producteurs et artisans de bouche, l’Inrae (fusion de l’Inra et de l’Irstea) était présente et l’ingénieur Claude Murat en charge des recherches sur la truffe n’a pas manqué de décrypter les mystères de ce champignons, de ses spores et de ses contraintes pour une culture efficiente.
Il n’a pas manqué par ailleurs de s’alarmer sur une faiblesse avérée des plantations dans l’hexagone par rapport à l’Espagne par exemple. (300 000 plants sont vendus dans l’hexagone pour 1 000Ha de plantations, contre 1 500 à 2 000 Ha pour la péninsule Ibérique qui bénéficie par ailleurs d’un rendement deux fois plus élevé.
Quant à l’avenir, le syndicat des producteurs de truffes de la Drôme des collines avec ses 700Ha au nord du département déclare avoir déposé une demande en IGP en 2018.
En cas d’obtention, cette Indication géographique protégée serait une première.
Une pierre de plus à porter au crédit de la Drôme qui a plus d’une corde à son arc et dont la convivialité gourmande est l’un de ses atouts touristiques indéniables au cœur d’Auvergne Rhône-Alpes.
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Michel Godet
Des informations de France Agrimer
PRODUCTION
La production est assurée par 6 000 trufficulteurs qui entretiennent plus de 18 000 ha de truffières qui, en phase de production, connaissent un rendement de 0,5 à 5 kg à l’hectare.
Chaque année, environ 1 000 hectares de truffières sont plantés en France, ce qui reste insuffisant pour assurer à la fois le développement et le renouvellement des plantations. En effet, le domaine truffier français actuel ne permet pas de répondre à la demande et il faudra attendre une quinzaine d’années pour que 30 % des nouvelles plantations produisent des truffes. Les investissements que demande la plantation d’une parcelle peuvent dépasser 10 000 euros à l’hectare.
CHIFFRES-CLÉS
55 tonnes de truffes en 2016/ 2017, dont 30 tonnes pour les truffes melanosporum et 25 tonnes de Tuber aestivum, var uncinatum et mesentericum.
18 000 ha sur 40 départements (8 000 ha sont plantés depuis moins de 10 ans, 10 000 ont entre 10 et 30 ans).
Entre 500 et 900 €/kg de prix de vente : un prix variable selon les saisons, les variétés, les quantités disponibles, la qualité du produit…
24 millions d’euros : chiffre d’affaires de la filière.
14 conservateurs de truffes produisent environ 15 tonnes de conserves pour un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros.
300 000 plants truffiers sont vendus en moyenne en France par 16 pépiniéristes agréés.
L’ACTION DE FRANCEAGRIMER POUR LA FILIÈRE TRUFFE
FranceAgriMer accompagne les projets d’expérimentation de la filière truffe, notamment un projet d’envergure national afin de mieux comprendre l’évolution du bilan hydrique dans différentes truffières en fonction d’itinéraires techniques adaptés à différents climats.
Ce programme de 160 K€ devrait permettre à la profession d’optimiser leurs connaissances sur les liens existants entre climat et prouction de truffes.