L’intérêt de la théoriePosted: 17 Jul 2021 07:47 AM PDT « De la théorie »… L’expression est parfois péjorative, alors que ce sont bien les considérations théoriques qui permettent au praticien de progresser ! A ce propos, je me souviens des revendications d’élèves d’AgroParisTech, qui disaient qu’ils auraient préféré que leurs études soient des stages, puisque c’est là -disaient-ils- qu’ils apprenaient le plus. Bref, restons au niveau pratique, et cherchons à faire des sablés. On trouve mille recettes, et d’autant plus que n’importe qui, aujourd’hui, fait un site et y met son « savoir ». En matière de cuisine, il y a donc de tout, des amateurs, des étudiants qui valorisent des travaux, des professionnels, des institutions… Et finalement, on est bien perdu… d’autant que le nombre d’erreurs est considérable. A ce propos, on reviendra vers mon analyse des pâtes à foncer pour bien voir combien la cacophonie est assourdissante, avec des manuels… qui ne méritent pas d’être préconisés pour l’enseignement tant ils sont erronés. Si l’on reste au niveau pratique, comment séparer le bon grain de l’ivraie ? L’expérience ? On ne pourra en faire que quelques unes, alors que la diversité des paramètres est considérable : la quantité de farine, la quantité de beurre, la quantité de sucre, la quantité d’oeuf, l’ordre d’incorporation des ingrédients, leur température, leur qualité, leur emploi, leur travail, leur cuisson… Manifestement, il y a trop de possibilités pour que les praticiens puissent s’y retrouver… sans théorie ! Or, en l’occurrence, les idées théoriques sont simples : Muni de ce bagage théorique, on comprend que le travail de la farine avec l’eau, ou l’oeuf (puisque le blanc, c’est 90 pour cent d’eau, et le jaune 50 pour cent) produit ce réseau de gluten qui donne de la fermeté. Inversement, le travail de la farine avec le beurre permet d’éviter la formation de ce réseau, d’où une friabilité supérieure. On comprend que l’ajout de sucre contribue à la friabilité. Et l’on comprend que le chauffage peut donner du goût. Bref, la théorie donne des possibilités d’actions rationnelles, qui, non seulement, permettent de faire le tri dans les prétentions des praticiens, mais, de surcroît, conduisent à des possibilités de choix. Il en va de même pour les travaux de l’ingénieur. Certes, on pourrait se limiter à savoir utiliser un appareil d’analyse (spectroscopies UV-visible, infrarouge, de résonance magnétique nucléaire, chromatographies…), mais la capacité théorique permettra de faire meilleur usage de ces équipements. Ou encore, oui, on peut savoir confectionner une émulsion, en suivant un protocole, mais la connaissance des composés tensioactifs particuliers, des effets de stabilisation ou de déstabilisation (coalescence, déplétion…) permet de mieux faire, de gérer les cas difficiles, de mieux doser. Au fond, il y a souvent, dans ces questions, à distinguer le conducteur de voiture et le mécanicien. On peut conduire… jusqu’à ce que la voiture tombe en panne, et, là, le mécanicien – celui qui a les connaissances « théoriques », en quelque sorte, s’impose ! |
Hervé THIS