Le public n’a pas peur de la chimie : tout simplement il ne la comprend pas !
En ces temps politiquement corrects, commençons par une précaution : j’ai bien du mal à reprocher aux autres leurs ignorances (observez le pluriel, svp), puisque je suis moi-même très ignorant.
Cela étant, on nous dit que le public a peur de la chimie, et c’est un fait que les marchands de peur utilisent cette peur, ou prétendue peur, à leur avantage. Toutefois, le public a peur de la chimie ? Deux événements récents conduisent à nous interroger.
Premier épisode, lors du Salon de l’agriculture : à la fin de ma présentation de la cuisine note à note, où j’ai fait goûter divers produits (observez le mot, svp), un petit boucher nivernais vient me voir et me demande si les produits que j’ai présentés sont « chimiques ». Je lui explique que le terme est ambigu (en général, pas en réalité), et qu’il y a des composés extraits de produits « naturels » (pour faire simple!), tel le saccharose extrait des betteraves, et des produits synthétisés. Synthétisés, demande-t-il ? Cherchant un exemple simple, je lui raconte qu’à l’âge de six ans, j’avait mis deux fils reliés une pile dans un verre d’eau afin de produire deux gaz, et de décomposer l’eau. Décomposer l’eau ?
Oui décomposer l’eau : un après un certain temps, le verre est vide, l’eau a disparu, et l’on a rempli des bonbonnes de gaz que l’on nomme hydrogène et oxygène. Décomposer de l’eau : notre homme n’en revient pas.
Profitant de son étonnement, je lui dit qu’il est également extrêmement facile de synthétiser de l’eau.
Synthétiser de l’eau ?
Oui, synthétiser de long, c’est-à-dire la fabriquer. Non pas par une simple condensation de vapeur, mais bien plutôt par la réorganisation de réactifs pour obtenir un produit, littéralement chimique, qui est l’eau. De l’eau en tous points indiscernables de l’eau d’eau du ciel.
Et notre homme de s’éclairer, et de répéter, émerveillé : « Vous synthétisez de l’eau ! Vous synthétisez de l’eau !
Oui, vraiment, vous avez un beau métier ! ».
Autrement dit, cet homme n’avait pas peur de la chimie, mais il ignorait tout de cette activité pourtant ancienne.
Second épisode, plus récent encore.
Ayant observé qu’en faculté de droit, nos amis juristes n’avaient pas des idées bien claires sur la différence entre un composé et une molécule (par pitié, rappelez vous ma remarque introductive), sachant que le milieu culinaire a le plus grand mal avec la notion de composé, j’enregistrais un podcast pour donner des explications. Des explications simples, à l’aide de balles diversement colorées. J’avais presque honte de délivrer des notions aussi simples (pour un physico-chimiste), mais un vague sentiment que cela devait être fait.
Le résultat a été au delà de tous les espoirs… avec des emails de félicitations, de remerciements. Comprenons bien que je ne suis pas en train de me taper sur la poitrine, mais simplement d’observer que le public… ne comprend rien à la chimie, ne la connait pas, et ne refuse pas de la connaître, est reconnaissant quand on lui explique.
La conclusion générale de tout cela, c’est que nous nous trompons si nous acceptons l’idée que le public a peur de la chimie. Il n’a pas peur, mais il ignore tout d’un des transformations que certains savent faire.
Généralisons un peu : puisque le public ignore la chimie, comment voulez-vous qu’il sache ce qu’est un OGM ? L’ADN ? La radioactivité ?
De ce fait, il est facile, trop facile, d’utiliser cette ignorance pour manipuler des opinions. D’ailleurs, il est probable que cette manipulation se fasse par des personnes qui ignorent également la chimie, et qui sont seulement plus craintifs que les autres… mais c’est là une interprétation charitable, et l’on peut aussi imaginer que les marchands de peur, donc agissant à des fins commerciales, ou des gens de pouvoir, ayant volonté d’orienter les réactions du public à leur guise, se livrent à des manipulations à leur profit.
Il y a donc urgence.
Urgence à ne plus croire fautivement que le fait de vivre au XXIe siècle puisse éviter la présentation de notions élaborées au cours des siècles.
Il y a une nécessité urgente d’un d’expliquer la chimie, la biologie, la physique, les sciences de la nature en général.
Militons, expliquons !
Hervé This
Lyon Saveurs michel.godet@gmail.com
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Merci pour cet article malheureusement ce n’est pas la chimie qui fait peur mais ce qu’on en fait !
Pourquoi vouloir modifier génétiquement des organismes (si ce n’est pour des raisons bassement financières) puisque la nature, bien utilisée, se suffit à elle même pour nourrir la planète. Les paysans ont toujours su « refaire » leurs graines sans passer par le tiroir caisse obligatoire des monstres de la chimie.
Si les chimistes, au lieu de faire de la chimie, avaient pris un peu de vacances, l’air que nous respirons et l’eau que nous buvons seraient moins pollués… et peut-être que nous pourrions laisser la planète dans un meilleur état pour nos enfants.
Peut-être que la chimie, élevée au niveau d’un « art » sans but lucratif serait-elle plus crédible ?
Bien amicalement