N’empoisonnons pas nos amis !Posted: 30 May 2020 06:20 AM PDT Cela fait deux fois en deux jours que l’on m’interroge sur des questions de microbiologie, de conservation, et même plus précisément, de traitement du saumon. On me parle de fumage, on me parle de gravlax, et l’on me demande de l’aide pour que du saumon se conserve plus longtemps. Mais on doit prendre garde à bien fournir à nos amis des aliments qui ne les empoisonneront pas, n’est-ce pas ? Commençons par rappeler que le fumage du saumon est une méthode ancienne de conservation du poisson, non seulement parce que l’on fait croûter un peu la surface, ce qui ne laisse pas d’eau disponible pour les bactéries pathogène de l’environnement, qui ne peuvent donc pas se développer, mais aussi parce que le fumage dépose à la surface exposée des composés qui sont des bactéricides puissants.
Le fumage classique n’est pas un procédé si sain que cela : certains des composés déposés par la fumés sont cancérogènes, et cela s’observe hélas sur les populations du nord de l’Europe, qui meurent plus que les autres de cancers du système digestif, en raison de leur consommation excessive de produits fumés. Pour la confection de gravlax, la technique est différente, puisque c’est l’usage du sel et du sucre qui, provoquant le croûtage, évite la prolifération bactérienne : ces deux composés tirent l’eau de chair par osmose, formant une croûte superficielle, tandis que l’eau qui sort forme une flaque où sel et sucre sont dissous. D’ailleurs, on observera que certains fumages sont précédés d’un tel traitement, d’une part, et l’on dira, d’autre part, que le sucre tire l’eau plus efficacement que le sel… au point que ce même sucre est utilisé dans les hôpitaux de campagne, pour éviter le développement bactérien sur les plaies.Du point de vue de la conservation, laquelle n’a pas grand chose à voir avec le goût ni avec la sécurité chimique des aliments, tout va bien si l’on n’hésite pas à couvrir le poisson de sel et de sucre pendant un temps suffisant, de sorte qu’il y ait un bn croûtage, et si l’on fume un peu rudement de sorte que les composés susceptibles de tuer les micro-organismes soient abondants. Mais alors, le goût n’est pas bien délicat, et le produit est chargé de composés cancérogènes. C’est la raison pour laquelle mes interlocuteurs me demandaient de les aider à réduire le fumage, d’une part, et réduire le croûtage, d’autre part. Oui, mais on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre : en l’occurrence, on ne peut pas appliquer un procédé de conservation sans l’appliquer. Si l’on réduit fumage et croûtage, le poisson n’est plus protégé, et, sauf à utiliser une autre méthode de conservation, il se colonise de micro-organismes potentiellement pathogènes. D’ailleurs, cette question d’augmenter la durée de vie des produits alimentaires est une question non plus des cuisiniers mais des industries alimentaires, qui, précisément, doivent pouvoir fournir des aliments avec des dates de conservation aussi longues que possibles, pour que les produits puissent rester sur les rayonnages des boutiques. Hervé THIS
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