La Saint Cochon à Bourg-en-Bresse le dimanche 6 février 2011

Il fait froid et maussade sur Bourg-en-Bresse l’hiver. Un temps idéal donc pour tuer le cochon et pour la mise au saloir du lard. Le temps qu’il faut pour faire revivre cette tradition séculaire de la « tuade » du cochon qui avait lieu pendant l’hiver. Nul besoin d’y convier famille et amis comme autrefois, ce sont les burgiens et burgiennes qui les remplaceront. Pas de hurlement déchirant du cochon qu’on abat dans la cour de ferme, le cochon est tué à l’abattoir et emmené sur le champ de foire au petit matin pour la Saint-Cochon.

Ainsi, soit-il !

Il y a foule pour assister à ce cérémonial qui donne à certains l’occasion de se remémorer cette tradition de leur enfance et la fête à la ferme qui s’en suivait ; à d’autres de découvrir des scènes, des gestes et des odeurs du passé. A peine arrivé sur le champ de foire, le cochon est buclé, puis transporté sur une estrade où il est suspendu à une échelle, la tête en bas afin que chacun puisse assister au spectacle et aux gestes tant de fois répétés. La tête est coupée et mise dans un seau, les viscères sont retirés et déposés sur une table et le cochon est fendu en deux dans la longueur. Autrefois, famille et voisins proches recevaient un morceau de viande fraîche à cette occassion. C’était l’une des rares occasions pour consommer de la viande fraîche, car à cette époque les seuls moyens de conservation de la viande étaient la salaison ou le séchage.

Des bouchers passés maîtres dans l’art du lard

En ce jour de « tuade » à Bourg-en-Bresse, la viande fraîche ne manque pas. Une quinzaine de bouchers-charcutiers de la région s’ installent sous la halle du champ de foire pour proposer le meilleur du cochon : boudin, civier, gratons, andouillettes, boulettes  bressanes, fricassée, tête roulée, jambonneau, tripes, pieds, queues et oreilles en gelée, poitrine roulée, cervelle, saucisson. Ces bouchers sont maîtres dans l’art du lard et rivalisent de créativité pour cette journée du cochon.

La ferme Dilas à Jasseron fabrique le boudin sur place, la boucherie Daujat à Bourg-en-Bresse cuit les boulettes bressanes sous la halle et leur fumet aiguise l’appétit des plus gourmands qui se dirigent à l’odeur du fumet, groin en l’air. La maison « Au Plateau Gourmand » de Bourg-en-Bresse présente et fait déguster  la création de la maison, le Pétrouille : un pâté en croûte au filet mignon de porc mariné au vin rouge et au madère. La maison Guichon de Saint-Etienne-du-Bois a confectionné un pâté en croûte spécial Saint-Cochon, moelleux et tendre à souhait grâce aux pieds de porc qui entrent dans sa composition. Quant à Pierre Ferrand de Confrancon il présente fièrement son andouillette de Juliénas qu’il est le seul à fabriquer et il débite à la scie à main une superbe tête roulée géante qui a pris la forme d’un cylindre de 1,50 mètres de long et 30 centimètres de diamètre.

L’ambiance est à la fête et à la bonne humeur et ce ne sont pas l’hallali sonnée par les cors de chasse et les quelques prétendants au titre du meilleur cri du cochon qui s’égosillent au micro pour emporter les suffrages du public qui nous démentiront. C’est vraiment un superbe et délicieux hommage qui est rendu en ce premier dimanche de février, au cochon. Mais attention, vers midi il y a foule, alors faites comme les anciens, levez vous tôt le matin, prenez un verre de gnôle et en route pour la Saint-Cochon.

Reportage texte et photos: Yves Rouèche pour Lyon Saveurs


Programme de la Saint Cochon 2011

Dimanche 6 février 2011Marché couvert de 8 h 30 à 14 heures

9 h 30 – buclage et découpe du cochon

11 heures – Concours de cri du cochon


Liste des exposants, charcutiers :

Sarl Bozon, Bourg – Sarl Crozet, Treffort – Sarl Corobert, Pont-de-Veyle – Didier Daujat, Bourg – Deplatière, Châtillon-sur-Chalaronne – Jean Pierre Deyriat, Châtillon-sur-Chalaronne – Earl Dilas, Jasseron – Ferrand, Confrançon – Bruno Genillon, Chalamont – Sarl Guichon, St-Etienne-du-Bois – Joël Saint Sulpice, Foissiat – Daniel Sulpice, Bourg – Plateau Gourmand, Bourg

Dicton : « D’un bon cochon, jusqu’aux poils, tout est bon »

Sous le marché couvert de Bourg-en-Bresse ce 6 février

Bonus:

Des charcuteries à tout va !

Chaque région a ses traditions et il en va de même pour les préparations charcutières qui suivent la « tuade » du cochon. En voici quelques exemples qui illustrent bien la diversité culturelle,  géographique et gastronomique de Rhône-Alpes.

Dans le Lyonnais, le cervelas lyonnais est fait d’une farce fine pur porc et contenait autrefois de la cervelle, d’où il a tiré son nom. Le saucisson à cuire quand à lui est haché gros et plus maigre que le cervelas. Il devient sabodet en Isère en s’enrichissant d’une forte proportion de tête et de couenne de porc. En Dauphine  il peut être aromatisé au carvi et il devient le Murson ; celui de La Mûre est réputé. Dans la Loire, la tradition est aux andouilles avec le sabardin fin et relevé et l’andouille de Charlieu, rustique et goûteuse. Même le Beaujolais y va de la sienne avec la très rare andouille de Juliénas, grasse à souhait. Dans le Chablais et la Basse vallée de l’Arve, la longeôle est une saucisse à cuire à base de quasi de porc et de couennes, le tout aromatisé de graines de fenouil sauvage. La saucisse de Magland dans la vallée de l’Arve, constituée de maigre et de gras de porc haché gros, relevé d’une pointe d’ail, est fumée avant d’être mise à sécher ou à cuire.

La borfatte ou morfatte est une variante de la saucisse de Magland de plus grosse taille car embossée dans le caecum de porc, fumée et séchée avant d’être conservée dans l’huile. Le pormonier de Tarentaise et la pormonaise de Haute-Savoie sont des saucisses à cuire dans lesquelles on introduit des herbes ou des légumes verts. La saucisse au chou en est une déclinaison, comme la saucisse d’herbes en général. Enfin, le célèbre diot est une saucisse à cuire composée d’épaule et d’échine de porc,  hachées finement avec du gras ou de la gorge de porc. A chacun sa saucisse et une saucisse pour tous les goûts !

Dans la Drôme et l’Ardèche, c’est la caillette qui est à l’honneur. Elle est constituée d’un hachis de gorge, de foie de porc et d’herbes aromatiques et potagères (blettes, épinards). La caillette ardéchoise contient davantage de verdure que sa sœur drômoise. En Savoie, point de caillette mais ce sont les atriaux qui étaient traditionnellement appréciés le lendemain de la « tuade » du cochon. Ils sont composés d’un hachis d’abats, assaisonné d’herbes et d’oignons et enveloppé dans une crépine. En Bresse, on fait la boulette bressanne. Sur la montagne ardéchoise, on goutte la maoche : une panse de cochon farcie de choux vert frisé et de pruneaux qui peut peser jusqu’à trois kilos. En Ardèche méridionale, on préfère les feuilles de blettes ou d’épinard et ce beau ballon charcutier change de nom pour devenir la Pouytrolle. Je ne suis pas certain qu’une autre région de France puisse faire un tel inventaire de spécialités charcutières, alors profitons-en pour les apprécier et les savourer à leur juste valeur tant qu’ils sont encore sur les étals.

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NDLR: Une fois encore, notre confrère Yves Rouèche a eu la gentillesse pour Lyon-saveurs de commettre un article. Cette quinzaine, c’est  le cochon qui est à l’honneur à Bourg-en-Bresse.

Vous retrouverez dans l’Almanach Gourmand  d’Yves Rouèche de nombreux autres reportages, tous aussi intéressants les uns que les autres, sur les produits du terroir de Rhône-Alpes et des fêtes qui y sont le plus souvent associées.