Etiquetage du vin : petite révolution en décembre 2023 !
Document officiel de la DGCCRF à lire avec attention
Paris septembre 2023 – En route vers la dématérialisation ?
C’est une question qui date de plus de 40 ans, avec l’apparition des premières règles européennes en matière d’étiquetage de la composition et de la valeur nutritionnelle des produits alimentaires. Les boissons dont le titre alcoométrique volumique (TAV – degré d’alcool) est supérieur à 1,2% vol. ont toujours bénéficié de dérogations. Le règlement européen INCO (information du consommateur sur les denrées alimentaires) prévoyait de réévaluer la situation en 2014 mais son application a été repoussée.
Finalement, un rapport de 2017 de la Commission européenne a repris des avis du Parlement européen, de l’OMS, des organisations de défense des consommateurs et de santé publique, et des différentes filières productrices de boissons alcoolisées. Tous les acteurs se sont accordés sur la nécessité de mieux informer les consommateurs sur le contenu des boissons alcoolisées qu’ils consomment et de leur valeur nutritionnelle. Le rapport soulignait par ailleurs le risque de « fragmentation du marché ». En effet, les réglementations nationales sur l’étiquetage de certaines boissons alcoolisées se sont multipliées, avec le risque à terme de créer des barrières commerciales entre les États. De plus, certaines organisations de producteurs et multinationales du secteur ont progressivement encouragé ou imposé l’étiquetage de la liste des ingrédients ou des informations nutritionnelles.
En 2021, la Commission a profité de la révision du règlement portant organisation commune des marchés des produits agricoles (dit « OCM ») pour introduire à compter du 8 décembre 2023 l’obligation d’une liste des ingrédients et du tableau nutritionnel pour le vin.
Concrètement, la liste des ingrédients pourra être indiquée de manière dématérialisée. Par ailleurs, la déclaration nutritionnelle pourra être limitée à la valeur énergétique sur l’étiquetage, à condition qu’elle soit accessible en totalité, de manière dématérialisée. La filière semble s’orienter vers l’usage de QR codes qui seront imprimés sur les bouteilles.
L’étiquetage des vins « produits et étiquetés » avant le 8 décembre 2023 n’aura pas à être modifié et ces vins pourront être mis sur le marché jusqu’à épuisement des stocks.
Pourquoi un étiquetage dématérialisé pour le vin, alors que ce n’est pas possible pour les autres denrées alimentaires ?
Contrairement à l’immense majorité des denrées alimentaires (et aux autres boissons alcoolisées), la composition du vin peut varier en fonction de différents éléments. Selon les millésimes, les assemblages et les objectifs des producteurs, il peut être nécessaire d’ajouter divers ingrédients et additifs (sucre, acidifiants, stabilisants…). En outre, le vin est un produit « vivant », dont les caractéristiques évoluent avec le temps. En fonction des durées d’élevage et de conservation, des modalités d’acheminement du produit (exportation), certains additifs peuvent être ajoutés. C’est le cas par exemple des stabilisants ou des gaz d’emballage utilisés pour éviter l’altération du vin. La décision de les ajouter ou non peut être prise au dernier moment, avant l’embouteillage, en fonction des commandes et des caractéristiques du produit.
Ainsi, la liste des ingrédients d’un vin issu d’une même cuve peut être amenée à varier à la marge, ce qui rend difficile parfois l’étiquetage de la liste des ingrédients directement sur les contenants.
Pour délivrer aux consommateurs une information fiable, la filière devra mettre en place une traçabilité précise, de l’entrée des raisins dans les chais jusqu’à la mise en bouteille. Cela implique, par exemple pour le négoce, de rassembler les données provenant de l’amont (fournisseurs de raisins, de moûts ou de vins) en vue de l’étiquetage des produits.
S’agissant des informations nutritionnelles, il est apparu que la valeur énergétique avait plus de sens pour le consommateur que l’étiquetage du tableau nutritionnel complet (matières grasses, acides gras saturés, sucres, protéines, sel). En effet, le vin ne contient ni sel, ni protéines, ni graisses. C’est pourquoi les institutions européennes ont autorisé l’étiquetage de la seule valeur énergétique sur l’étiquette des produits (en kcal ou kj), les autres informations pouvant être renvoyées sur Internet.
Pourquoi prévoir un règlement délégué, alors que l’indication de la liste des ingrédients doit être conforme à INCO ?
Le règlement OCM a habilité la Commission à adopter un texte d’application (« acte délégué ») visant à préciser les règles relatives à l’indication de la liste des ingrédients.
Sans ce texte, les principes transversaux fixés par le règlement INCO s’appliqueraient directement. Or, ceux-ci ne sont pas tout à fait adaptés aux spécificités du secteur vitivinicole. Par exemple, INCO impose la mention du nom légal des ingrédients. Alors que le consommateur est familier du terme « sulfites », employé depuis longtemps sur l’étiquetage du vin, une stricte application d’INCO imposerait de détailler les types de sulfites utilisés : « anhydride sulfureux », « bisulfite de potassium », « métabisulfite de potassium ». Cela ne semble pas souhaitable.
De ce fait, il était nécessaire de prévoir certaines dérogations.
Quel est l’état des discussions au niveau européen de ce règlement délégué ?
Depuis la rédaction du premier projet de règlement délégué par la Commission européenne au printemps 2021, les autorités françaises ont cherché à simplifier les obligations des professionnels, tout en garantissant un niveau élevé d’information du consommateur.
Nous avons défendu le fait que le terme « raisin » puisse être employé pour désigner à la fois le « raisin », le « moût de raisin » et le « moût de raisin partiellement fermenté », que l’ajout de sucre soit mentionné par la simple mention « sucre » ou « moût de raisin concentré » (en fonction de l’origine du sucre : saccharose ou sucre issu du raisin), que l’on puisse utiliser le terme « sulfites » pour désigner les trois types de sulfites suscités.
La France a aussi suggéré que certains additifs substituables entre eux (stabilisants, acidifiants…) puissent être désignés par l’expression : « contient […] et/ou […] ». Cela allongera la liste des ingrédients, mais permettra d’avoir une seule liste et un seul QR code par cuvée.
Elle a proposé que les gaz neutres (azote, CO2, argon) utilisés pour prévenir l’oxydation ne soient pas mentionnés, étant donné qu’ils se libèrent lors de l’ouverture d’une bouteille et ne sont pas consommés.
Enfin, elle a souhaité que l’obligation d’étiquetage ne soit applicable qu’à compter de la récolte 2023. En effet, un délai est nécessaire pour que la filière mette en place la traçabilité nécessaire (notamment avec l’amont) et s’approprie les nouvelles obligations réglementaires, qui ne sont pas encore arrêtées. Le 8 décembre 2023 arrivera vite, d’autant plus que la filière doit anticiper les commandes d’étiquettes.
A ce jour, les positions françaises ont bien été prises en compte par la Commission. Seuls les deux derniers points font encore l’objet de discussions. Toutefois, le texte n’est pas encore stabilisé et la délégation française reste mobilisée pour défendre les spécificités de la filière. Une nouvelle réunion du comité vin est prévue le 27 septembre à la Commission et le texte définitif ne devrait pas être publié avant fin 2022.
Des discussions sur le même sujet se déroulent également au plan international, puisqu’une résolution de l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV) est actuellement discutée. Le prochain round de négociation devrait se tenir au printemps 2023 à Dijon, qui accueille le nouveau siège de l’OIV.
Comment la filière est associée aux discussions européennes ?
Les autorités françaises travaillent de concert avec la filière depuis plusieurs mois, que ce soit dans le cadre des groupes de travail de l’OIV ou de la négociation du projet de règlement délégué. Un déplacement, auquel des représentants de la DGCCRF et du ministère chargé de l’agriculture ont été conviés, a même été organisé dans deux entreprises de Gironde afin de prendre la mesure des problématiques rencontrées sur le terrain.
Pour l’administration, il est important de pouvoir s’appuyer sur des échanges avec les représentants de la filière, afin de porter des positions argumentées et réalistes auprès de la Commission et des autres Etats membres. Les brigades d’enquêtes vins et spiritueux de la DGCCRF sont également sollicitées et font remonter les informations du terrain, qui confirment les difficultés évoquées au niveau national.
Comment se préparent les professionnels ?
Certains fournissent déjà la liste des ingrédients et les informations nutritionnelles. L’application « EU Label » permet aux professionnels de mettre les informations en ligne, via un QR code indiqué sur l’étiquette des produits. Cette possibilité est offerte aux vins, mais également aux autres filières de boissons alcoolisées.
Bien que le vin soit pour le moment le seul produit visé par des obligations réglementaires, la Commission prévoit de faire évoluer prochainement le règlement INCO, de façon à couvrir l’ensemble des boissons alcoolisées : spiritueux, bières, cidres… L’adoption de la version révisée du règlement INCO n’est toutefois pas prévue avant 2024.
En attendant, les consommateurs peuvent d’ores-et-déjà constater qu’un nombre croissant de boissons alcoolisées mentionne la liste des ingrédients : bières, cocktails, liqueurs…
Quels impacts sur le marché ?
L’impact de cette modification réglementaire ne doit pas être négligé. L’obligation de transparence qui s’imposera à partir du 8 décembre 2023 est une petite révolution. Comment réagiront les consommateurs à la présence de certains additifs ? Se détourneront-ils des produits dont la liste des ingrédients sera longue ? Certains professionnels s’interrogent déjà sur le fait d’utiliser moins d’ingrédients. Des applications mobiles se développeront-elles pour comparer les vins entre eux sur la base des informations fournies par les QR codes ? Les consommateurs se tourneront-ils davantage vers des vins biologiques, sans intrants ?
Du côté de la DGCCRF, les contrôles devront évoluer pour éviter les fraudes consistant à omettre de déclarer certains entrants et ainsi tromper le consommateur mais aussi fausser la concurrence.