Du gluten dans les sauces ?

Non, mais les protéines du gluten y sont… si on ne les a pas décomposées lors de la confection du roux (ce sont les protéines qui font brunir)

THIS Hervé DR

Hervé This (Photo DR)

Posted: 02 May 2019 08:47 AM PDT

Ah, ce fameux gluten ! A propos d’un roux, je lis sous la plume d’un cuisinier français étoilé (et qui, on va le voir, dépasse sa compétence):

« Mélanger rapidement avec un fouet, pour obtenir, grâce à l’élasticité du gluten contenu dans la farine, une pommade lisse et homogène ».

 Commençons par cette « pommade », qui m’a choquée. Vite, je suis allé consulter le dictionnaire, et j’ai trouvé : « Cosmétique composé d’une base grasse et d’une ou plusieurs essences parfumées, servant aux soins de la peau ou des cheveux. ». Un autre sens ? « Préparation médicamenteuse de consistance molle, destinée à être appliquée sur la peau ou sur les muqueuses, composée d’un excipient gras et d’un ou plusieurs principes actifs qui y sont dissous ou émulsionnés.« .
Bref, une pommade est grasse, tandis que, ici, il n’y a que de l’amidon et de l’eau.

On obtient effectivement une préparation de consistance molle en mêlant de la farine et de l’eau, mais ce n’est pas une pommade. Quel nom donner ? Dans la mesure où l’on disperse des grains d’amidon dans un liquide, c’est une « suspension » que l’on obtient, une pâte délayée…

Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle on a un système différent de celui qui se forme quand on travaille de la farine avec peu d’eau : c’est dans ce cas que le gluten se forme, réseau (filet) tridimensionnel où les grains d’amidon sont piégés.

Et oui, ce gluten est « viscoélastique » : la pâte formée est visqueuse et élastique à la fois.

Mais quand on met plus d’eau, ce réseau est défait, et la suspension liquide n’est plus une suspension solide.

J’y pense : pour en savoir plus sur le gluten, je vous invite à consulter l’histoire de sa découverte dans ce  texte :
https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/n3af-2018-3-research-note-who-discovered-gluten-and-who-discovered-0

Et finalement, une chose est certaine : il y a tant de liquide dans un roux délayé qu’il n’y a certainement pas de réseau de gluten ! Les protéines sont là (gliadines et gluténines pour le « gluten »), mais elles ne servent à rien, du point de vue du roux. D’autre part, peu importe que l’on mélange rapidement ou pas. Et, pis, le gluten serait plutôt en défaveur de la consistance lisse.

Bref, notre ami cuisinier a largement dépassé les limites de sa compétence. Que n’est-il resté à des phénomènes visibles, bien décrits !