Cuire à la cocotte-minute ?

Posted: 30 Dec 2019 06:38 AM PST

Peut-on cuire raisonnablement avec une cocotte minute ? Personnellement, cela fait longtemps que j’ai arrêté d’utiliser un tel instrument, pour bien des raisons. Et là, un message me conduit à analyser la question plus en détail  :

Monsieur le Professeur,


Suite à vos conseils j’ai réussi une blanquette à la Staub, très onctueuse et tendre (cuisson induction (De Dietrich) à 2 sur 15 pendant 3 heures avec une sonde thermomètre plongée dans la casserole et piquée dans un morceau de veau qui n’a jamais dépassé 90 °C.
Mais ce week end,  j’ai tenté une version rapide du pot au feu à la cocotte-minute et ma viande était très très très dure. La recette (je pourrais dire les recettes car il y en a pléthore sur internet) commandait de jeter la viande dans l’eau bouillante, de fermer la cocotte et d’attendre 50 minutes une fois la cocotte sous pression (la soupape fermée).
Les légumes étaient parfaits, le bouillon aussi, mais la viande avait réduit en taille (30 %) et les morceaux étaient comme contractés sur eux mêmes, rétrécis ou torturés…
Comment peut on envisager une viande braisée à la cocotte minute sous pression dans la mesure où la température de cuisson sera forcément > 100 °C
Dois-je réduire le temps : le site de la marque xxx parle de 30 minutes ?
Est-ce que ceux qui disent avoir fait un pot au feu tendre à la cocotte minute mentent ?
Merci de ne pas m’écharper avec des remarques telles que : un pot au feu ça se fait en cuisson douce et longue et surtout pas à la cocotte pression.
Je voudrais comprendre ce que j’ai raté et comment il faut le faire à la cocotte pression !
Dans le message de nos amis en ligne, il y a deux questions :
1. la cuisson des viandes
2. la cuisson des légumes.

1. Les viandes

Pour les viandes, le « modèle » à conserver est celui d’un faisceau de « fibres » liées entre elles par du « tissu collagénique ».
Les fibres ? De longs et très fins tuyaux contenant de l’eau et des  protéines, un peu comme du blanc d’œuf. Et si l’on chauffe, cela durcit, parce que les protéines coagulent ; et plus on chauffe, plus ça durcit.

Le tissu collagénique  ? Un assemblage d’une protéine particulière, le collagène, qui commence à se contracter quand on chauffe la viande ; et quand on chauffe à 100 °C, sa contraction conduit à environ 30 % de contraction… qui fait sortir le jus de l’intérieur de la viande.
Une cuisson longue de ce tissu conduit à sa dégradation, ce qui permet la séparation des fibres, tandis que les fragments de tissu collagénique libérés permettent ultérieurement de faire gélifier le liquide où ils sont partis. Mais il faut insister : dès que l’on chauffe à plus de 55 °C, cette dégradation a lieu. Plus lentement qu’à haute température, mais elle a lieu… et c’est bien là l’intérêt de la cuisson à basse température  : le tissu collagénique se dégrade sans se contracter, de sorte que la jutosité de la viande est préservée, tandis qu’il y a un attendrissage dû à la disparition de ce tissu qui fait précisément les viandes dures ; et le bouillon se charge de gélatine et des « peptides » ou d’acides aminés, qui ont du goût.

Cuire dans une cocotte minute ? La température dépasse 100 °C, de sorte que la viande se contracte. Certes, le tissu collagénique se défait rapidement, mais je n’aime pas le résultat.

2. Les légumes

Pour les légumes, ce sont des cellules jointoyées par une sorte de « ciment » fait de pectine et de cellulose. La cellulose, c’est le coton, et rien ne lui arrive quand on la chauffe, comme le prouve le lavage du linge en coton. En revanche, la pectine se dégrade, et cela correspond à la « dégradation du ciment » : les légumes s’amollissent sans dégâts collatéraux. Pas de problème pour cuire les légumes à la cocotte minute, donc.

Finalement, autant la cocotte minute est efficace pour les légumes, autant elle est médiocre pour les viandes très collagéniques, « à braiser ». Mais, inversement, la cuisson à basse température est médiocre pour les légumes, qu’elle durcit, alors qu’elle s’impose pour les viandes. Il faut donc séparer les opérations, si l’on veut faire quelque chose de très bien, n’est-ce pas ?

J’ajoute enfin que la cocotte minute fut inventée par Denis Papin pour faire des « bouillons d’os » :

il l’avait nommé « digesteur ».

Hervé This