Voilà de nombreux mois, pour ne pas dire d’années, que l’on parle et reparle des fameux droits de plantation viticoles et de son éventuelle suppression à partir de 2016. Exit donc cette suppression initiée essentiellement par Madame Marianne FISCHER BOEL, Commissaire européen à l’Agriculture. Le lobby de la vigne et du vin ayant fait son office et son combat vient de porter ses fruits.
Dans cet article, Me Michel Desilets, avocat et ancien bâtonnier du barreau de Villefranche-sur-Saône, mais surtout président de la section européenne de l’AIDV (Association internationale des juristes du droit de la vigne et du vin) nous explique la nouvelle mouture relatives aux droits de plantation qui entrera en vigueur le 1e janvier 2016.
Très sincèrement merci à lui pour cette analyse aussi juridique que clairvoyante.
Michel Godet
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Vignobles et droits de plantation: l’épilogue. Provisoire malgré tout !
Par Me Michel Desilets

La réforme du régime communautaire des droits de plantation de vignes après quatre décennies de fonctionnement avait été décidée en 2008, sous l’impulsion de
Madame Marianne FISCHER BOEL, Commissaire européen à l’Agriculture, qui entendait promouvoir la suppression totale des droits de plantations à compter de 2016.
Les organisations professionnelles viticoles des différents pays producteurs se sont élevées contre ce projet, admis dans le principe par l’ensemble de décideurs politiques.
Elles brandissaient les dangers et les conséquences économiques désastreuses que le nouveau système ultralibéral allait engendrer.
Leur combat a porté ses fruits.
Le 26 juin 2013 à Luxembourg un accord sur le dossier OCM-Vin de la PAC a été trouvé.
Les Ministres de l’Agriculture, le Parlement et la Commission sont maintenant en phase sur ce que sera le nouveau régime.
Les différentes études techniques et les préconisations résultant de la consultation du Groupe de réflexion à Haut Niveau (GHN) ont été suivies.
La libéralisation totale n’aura pas lieu.
Il ne sera pas possible de planter n’importe où, n’importe quoi,  et le mécanisme qui va être mis en place à compter de la PAC (Politique Agricole Commune) 2014- 2020 est maintenant connu.
Le système des droits de plantation est supprimé comme le sont d’ailleurs les quotas sucriers ou laitiers, mais contrairement à ces deux derniers secteurs, un système d’autorisation est mis en place pour la vigne.
Les nouvelles dispositions entreront en vigueur dès le 1e janvier 2016.
Il s’agit d’un compromis entre professionnels, qui souhaitaient un encadrement, et la Commission européenne qui excluait toute reconduction de l’ancien système.
Ainsi des autorisations devront toujours être délivrées pour toute plantation de vignes, quelle que soit la catégorie de vins.
L’autorisation sera gratuite et incessible et aura une validité de 3 ans avec possibilité semble-t-il d’être renouvelée, le but étant d’éviter la constitution de stock et/ou la spéculation.
Les autorisations sont automatiques en cas d’arrachages suivi de replantations, ces surfaces n’entrant pas dans le 1% annuel.
Le système veut juguler les extensions inconsidérées, trop brutales ou trop fortes, pour préserver un marché qui doit se maintenir à l’équilibre entre l’offre et la demande.
Les Etats membres reçoivent une grande liberté dans  la mise en œuvre du nouveau système sur leurs territoires, à condition de ne pas dépasser annuellement une augmentation de surface totale de 1%.
Ils sont libre de fixer un seuil moindre.
Il est également prévu que les organisations professionnelles pourront recommander de les limiter les extensions.
L’application de ces deux derniers points laisse craindre des contentieux, tant les intérêts généraux peuvent diverger des intérêts privés. On imagine sans peine
un viticulteur en pleine expansion dépité de se voir refuser une autorisation de planter au motif que l’appellation qu’il revendique cherche à réduire sa
production pour s’adapter au marché.
Et cela, même si le texte à venir devrait recommander l’application de critères « objectifs et non discriminatoires » pour répartir les droits de plantation
si la demande est supérieure à l’offre.
Ce nouveau système doit régir le secteur vitiviticole jusqu’en 2030.
Des mesure transitoires sont prévues, comme  la conversion des droits de plantations existants en autorisation de planter, jusqu’au 31 décembre 2015,
avec possibilité pour les producteurs de demander cette conversion jusqu’en 2020.
Ainsi, la validité de 8 ans des « anciens » droits de plantations ne s’en trouvera pas affectée et il n’y a pas lieu de précipiter ou de retarder des arrachages suivis
de replantation avant 2015.
A l’unisson les professionnels de la filière se félicitent de cet épilogue après la très forte mobilisation mise en place contre la dérégulation annoncée.
Mais à la réflexion n’est-ce pas une victoire à la Pyrrhus ?
Un responsable politique déclarait qu’il ne s’agira plus de droits de plantation, mais d’autorisations gratuites et incessibles, accordées selon des critères
économiques, qualitatifs et de préservation de notoriété, en bref un système plus juste.
Cependant, les critères économiques, qualitatifs et de préservation de notoriété ne sont nullement définis. Il n’est pas non plus indiqué à ce stade si ces critères
seront cumulatifs ou non.
Il ne fait aucun doute que nous en reparlerons bientôt.
Michel DESILETS
Avocat au Barreau de Villefranche-sur-Saône
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AIDV
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