Après une petite centaine d’années d’incertitudes, l’état français signe la fin de la prohibition de l’Absinthe. Une histoire vieille de 95 années d’allers et de retours, d’incompréhensions, mais aussi de « Jésuitisme administratif »  autrement appelé hypocrisie !

Si chère à Zola en particulier dans l’Assommoir, l’Absinthe fût accusée de tous les maux, en particulier celui de rendre fou pour ne parler que de Baudelaire ou de Van Gogh ou encore celui d’être abortive, n’en déplaise aux faiseuses d’anges. Cette fée verte pour certains était devenue un démon rouge pour d’autres, qui ont recueilli au tout début du XXè siècle plus de 400 000 signatures en vue l’interdiction de sa fabrication et de sa commercialisation. Il est vrai qu’à l’époque (1908) un lobby antialcoolique fort puissant demandait aussi, outre l’interdiction de l’Absinthe, la limitation du nombre de débits de boissons et la suppression du privilège de bouilleurs de crus !


Cette bronca a eu raison du spiriteux en France dès 1915 (et en Suisse de 1910  à 2005), mélangeant donc dans l’inconscient populaire la lutte contre l’alcoolisme et les effets secondaires de la thuyone (principale molécule de l’huile essentielle d’absinthe) et de la fenchone (contenue dans le fenouil), deux composantes de l’absinthe titrant toujours entre 45 et 90° !

Aujourd’hui, celle qui a été en son temps l’apéritif le plus populaire de France, remplacée par les pastis et autres boissons anisées, retrouve enfin droit de cité après 95 années de prohibition. Comme si le pastis avait le goût de l’absinthe, la couleur de l’absinthe sans être de l’absinthe …

C’est Michel Rocard qui autorise, de facto par décret en 1988, la re-production de l’absinthe en réglementant la présence quantitative de thuyone, sans pour autant abolir le Loi de 1915 !

Imbroglio administratif comme on sait en créer en France, étouffé par un autre subterfuge administratif qui autorise l’appelation « Spiriteux aromatisé à la plante d’absinthe » ! je ne parle pas des Suisses qui demandaient de leur côté à être les seuls à pouvoir utiliser cette « marque » !

Je récapitule en toute simplicité ! :

l’Absinthe est interdite suite à une Loi de 1915

Un décret en 1988 autorise et réglemente la présence de thuyone sans abroger le décret précédant

Le spiriteux est donc produit sous l’appelation: « Spiriteux aromatisé à la plante d’absinthe »

Le 17 décembre 2010 dernier, le Parlement français abroge enfin la Loi de 1915

(Pour des questions de navette parlementaire, la promulgation officille interviendra dans les jours ou semaines à venir)

Fin de l’histoire, jusqu’au prochain épisode.

Vous voyez donc vous qui êtes incrédules que le Père n’est pas une ordure et qu’il existe bel et bien, puisque tout cela nous arrive une semaine avant Noël.

En mettant fin à cette hypocrisie, le Parlement évite ainsi de pénaliser les producteurs français.

VERSINTHE :  L’Absinthe, la passion de la Liquoriste de Provence

Toutefois, le vrai retour de l’absinthe dans les verres date en fait d’avril 1999, lorsque Pascal Rolland, PDG de la Liquoristerie de Provence a lancé sa marque «Versinthe ».

« A cause de la Loi, on ne pouvait faire figurer seul le terme « absinthe » mais, « aux plantes d’absinthe ». Un subterfuge qui pénalisait toutefois nos absinthes à l’exportation et nous obligeait à détenir deux stocks. » (Pascal Rolland)

C’est en avril 1999 que Pascal Rolland, PDG de la Liquoristerie de Provence, lance la première absinthe légale depuis 1915, avec la Versinthe. Pendant presque 3 ans, Versinthe sera la seule Absinthe en France.

La formule est en tout point identique aux meilleures Absinthes de l’époque. Elle respecte toutefois la législation qui limite le taux de thuyone à 35 ppm (la thuyone est une substance active que l’on extrait de l’Absinthe quand on la fait macérer).

Pour Versinthe, l’aventure commence. Dès les premiers mois, elle s’exporte dans tous les pays d’Europe, où il a fallu parfois affronter les autorités, comme en Allemagne et en Italie. « Nos produits ont été saisis puis relâchés après analyse et constatation de la conformité des produits».

En 2000, au Canada, le premier container est bloqué à Québec. En effet, ils détectent à l’analyse de la thuyone, ce qui est logique, mais pour eux la tolérance serait zéro. Pascal Rolland contacte des avocats qui font valoir qu’il n’y a aucune législation sur les taux de thuyone au Canada. Dans ce cas la loi prévoit que la législation du pays d’origine s’applique. C’est donc la loi Française qui permet de débloquer la situation. Pascal Rolland devra même négocier avec le chimiste du département de la santé du Canada un taux de thuyone qui semble raisonnable pour les expéditions à suivre et qui sera provisoirement fixé à 5 ppm.

Versinthe se développe et s’exporte de plus en plus, le Japon puis la Chine viennent consacrer son développement. Versinthe gagne près de 20 médailles dans plus de 5 pays (France, USA, Angleterre, Chine …) pour devenir une référence sur le marché.

En 2005, la Suisse, puis les Etats Unis en 2008, finissent par autoriser l’Absinthe sur leur territoire adoptant à chaque fois les mêmes normes que celles définies en France.

Entreprise du Patrimoine Vivant

En 2007, la Liquoristerie de Provence se voit attribuer le prestigieux label «Entreprise du Patrimoine Vivant » pour avoir réintroduit l’Absinthe. Si la France a été pionnière dans le retour de l’Absinthe, elle est désormais à la traîne. « En effet, nous sommes le seul pays où il faut encore étiqueter « aux Plantes d’absinthe » alors qu’à l’export, nous étiquetons « ABSINTHE ». Cela pénalise la France puisque cela nous oblige à détenir deux stocks ».

C’est en 2010 que les producteurs Suisses tentent de spolier la France en déposant une demande d’IGP sur l’Absinthe. Si elle est acceptée, les Suisses seront alors les seuls à pouvoir utiliser l’appellation Absinthe, alors que la production principale se fait en France.

Cette tentative absurde et pernicieuse provoque la colère des producteurs français qui vont s’appuyer sur la Fédération Française des Spiritueux pour faire opposition, et aussi alerter le gouvernement sur l’absurdité de ne pas légiférer pour rétablir en France l’appellation Absinthe.

Le parlement et le gouvernement réagissent et c’est finalement l’abrogation de la loi de 1915 confirmée par le sénat qui permet :

  1. de sortir de l’hypocrisie,
  2. de créer une définition légale de l’Absinthe et donc d’assainir un marché qui a été envahi par de vulgaires copies.

En effet, profitant du vide juridique et de la méconnaissance du public, des opérateurs peu scrupuleux se sont mis à proposer de fausses absinthes (sans anis, de couleur vert fluo, noire et même parfois rouge). Tout cela nécessite un éclaircissement et c’est le rôle leader de Versinthe que d’expliquer ce qu’est une vraie Absinthe.

2010 : le repas gastronomique Français (dont nous faisons partie puisque sont nommément désignés l’apéritif et le digestif), obtient son inscription au patrimoine culturel immatériel mondial de l’humanité par l’UNESCO. Cette inscription conforte et met en valeur notre labellisation comme « Entreprise du Patrimoine Vivant ».

Dossier réalisé par Michel Godet avec Michèle Piron-Soulat

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