Nous n’hésitons à publier cette analyse de Patrice Hernu, le fils de l’ancien ministre villeurbannais Charles Hernu, concernant l’immigration.

Un dossier dont la base est la publication par l’Insee de statistiques pour le moins intéressantes, et dont l’analyse par Patrice Hernu apporte un éclairage particulier.

A l’heure même où l’on parle donc beaucoup d’immigration et sans pour autant avoir des propos xénophobes, voire négationnistes, s’est-on poser la question de savoir tout simplement s’il ne pourrait pas dans de nombreux cas confusion entre immigrant et touriste et ce, à tous les sens du terme ?

MG

Patrice Hernu Président du Club Dialogue et Démocratie Française (D&DF)

L’Insee lance la bombe des statistiques de l’immigration. Silence radio ?

Sous une présentation presque badine, la première édition des « Immigrés et descendants d’immigrés en France », réalisée conjointement par l’Insee et le Secrétariat général à l’immigration et à l’intégration, est en réalité une bombe dont même l’article du Figaro citée en référence ne rend qu’en partie compte.

Cette étude apporte un éclairage particulier sur la dynamique d’intégration des bénéficiaires d’un Contrat d’accueil et d’intégration, les parcours scolaires des enfants d’immigrés, l’accès à l’emploi des descendants d’immigrés à la sortie du système éducatif et leur place dans la fonction publique. Grâce à cet angle, il est ainsi possible de tourner l’interdiction propre à la France de faire figurer la nationalité autre qu’européenne dans les fichiers des administrations. C’est dire que ces chiffres n’indiquent que la partie légale et émergée d’un iceberg qui semble bien en expansion dynamique.

Alors qu’à peine plus de 5.3 millions d’immigrés vivaient en France en 2008, dont les deux tiers natifs d’un pays extérieur à l’Union Européenne, leurs descendants nés en France en moins de 4 ans représentent plus de 7 millions d’habitants ! Ce qui représente donc une population de plus de 12 millions d’habitants qu’on ne peut pas considérer comme « assimilés » au sens républicain et de longue tradition du terme, mais en voie d’intégration, ce qui n’est pas la même chose du point de vue de la capacité de la République à maintenir le tissu social.

Le dossier détaille pudiquement les chiffres qui n’intègrent ni l’immigration illégale ni l’analyse – elle n’en a pas les moyens statistiques en raison de l’interdit concernant ces questions – des raisons pour lesquelles cette situation est unique en Europe. Il est assez clair, en détaillant les chiffres, que la propension à faire plus d’enfants en moins de 5 ans qu’il n’y a de population bénéficiaire du contrat d’accueil vient de ce que la famille était sans doute déjà irrégulièrement installée en France. Seule cette conjecture qui tient quasiment de l’évidence, peut expliquer à la fois la singularité française et les contradictions apparentes des chiffres que fait apparaître un regard attentif à la vue d’ensemble et aux fiches thématiques proposées par l’Insee. Elles font le point sur l’immigration en matière de démographie, de flux migratoires, d’éducation, d’emploi et de conditions de vie.

Et démontrent que le processus d’intégration fonctionne mieux qu’on ne pourrait le croire mais que le flux empêchent l’assimilation, ce que révèle la crise identitaire manifeste de toutes les populations résidant en France.

En effet, jusqu’en 1975, les migrations résultent principalement des mutations économiques et géopolitiques. Après 1975, la part des immigrés dans la population s’est d’abord stabilisée autour de 7,5 % tandis que s’opérait une diversification des origines, avant d’augmenter à nouveau (8,4 % en 2008). Mais c’est bien le développement de l’immigration familiale qui favorise la constitution d’une population de descendants d’immigrés. Et c’est donc bien la politique intensive dite d’intégration qui bloque l’assimilation et explique la crise actuelle des communautés.

Sinon, l’étude montre que la France ne se distinguerait guère de beaucoup de pays européens quant à la proportion et aux principaux traits socio-démographiques des populations nées à l’étranger. Par rapport aux autres grands pays, la France se caractérise par des flux migratoires plus anciens mais aussi plus faibles sur la période récente ! C’est donc bien la combinaison des résidences illégales et de l’intégration républicaine qui détermine que la proportion de descendants d’immigrés dans la population résidente est en revanche parmi les plus élevées d’Europe.

Pourquoi ?

Les immigrés et descendants d’immigrés sont inégalement répartis en France, plus présents en Île-de-France. Ils connaissent de moins bonnes conditions de vie que les autres, ce dont semble s’étonner l’auteur de l’article de référence avec un brio empreint d’une touchante naïveté. Mais s’ils accèdent plus difficilement au marché de l’emploi, c’est en raison essentiellement de leur niveau moindre de formation.

Si on mène l »analyse plus largement en considérant la cohérence des conditions d’emploi, de qualification, de logement, etc., le niveau de vie médian des personnes vivant dans un ménage immigré n’est que de 30% inférieur à celui de l’ensemble de la population. Rappelons que la différence brute entre hommes et femmes en France produite par des facteurs structurels comparables reste à peine inférieure !

Or cet écart se réduit très rapidement puisque par exemple il n’est plus que de 12 % pour les descendants d’immigrés, ce qui illustre les efforts considérables que la Nation réalise pour l’intégration, effort que des couches, éventuellement elles-aussi descendantes d’immigrations antérieures, trouvent injustes au regard de leurs propres et croissantes difficultés. Contrairement au commentaire de l’auteur, les difficultés ne concernent pas les chemins de l’intégration mais ceux de l’assimilation que la politique d’intégration met en panne. Elles résultent des interactions entre éducation, emploi et résidence, que ne font qu’accentuer des particularités reliées aux origines, particularités que la création d’écosystèmes de vie collective et familiale sans assimilation individuelle renforce et rend pérenne contre une assimilation qui aussi républicaine qu’elle soit, à la différence de l’intégration, ne se décrète pas.

S’inquiéter des facteurs qui contrarient le passage de l’intégration à l’assimilation semble bien devoir constituer une priorité politique.

Patrice Hernu

le 10 octobre 2012

Références:

Source Insee

http://insee.fr/fr/publications-et-services/sommaire.asp?codesage=IMMFRA12