La (grave !) question des accras de morue…

J’ai fait une petite exploration des recettes de d’accras de morue, car je cherchais à me retrouver dans l’ensemble des possibilités données les recettes : parfois il y a de l’oeuf, parfois il y a  de la fécule de maïs, parfois il y a de la farine, parfois il y a de la pomme de terre…
Évidemment les proportions sont extrêmement variables d’une recette à une autre, et la seule constante est peut-être la présence de morue, de cive, de persil, d’oignons, d’ail, de piment.

Prenons un peu de recul et observons qu’il s’agit surtout de poisson émietté, éventuellement additionné d’amidon et d’oeuf que l’on assaisonne, que l’on forme en boulettes que l’on  frit.

Autrement dit, il s’agit de préparations en tout point analogues à des boulettes frites de poisson,  ce que l’on pourrait nommer des croquettes aussi, et l’on voit bien que l’on pourrait varier le poisson, que la morue n’est indispensable que dans des acras de morue.

Les croquettes et les boulettes de poisson ont été largement explorées par les cuisiniers professionnels occidentaux (français surtout), et l’on peut chercher dans leurs productions  des indications pour varier la recette d’acras des îles.
Mais on peut aussi raisonner,  et observer que le poisson contient des protéines susceptibles de coaguler, comme dans les terrines évoqués dans un billet précédent (https://hervethis.blogspot.com/2019/05/les-terrines.html).

Bien sûr, on peut ajouter de l’oeuf, le blanc apportant des protéines qui aideront à tenir les masses, tandis que le jaune apportera également des protéines, mais surtout du goût.
La farine, la fécule, l’amidon, quand ils seront chauffés en présence d’eau, absorberont  cette dernière et feront une préparation pâteuse comme une sauce blanche, qui donnera un peu plus de souplesse qu’avec le seul poisson, surtout s’il a été salé comme c’est le cas pour la morue.
L’ail, l’oignon, le piment, la cive ou le persil contribueront au  goût, et, si l’on n’a pas mixé les ingrédients, ils pourront également  donner un peu de variété dans la consistance de la pâte.

Certaines recettes indique de les broyer,  mais je me demande si l’on n’aurait pas intérêt à ne broyer que la moitié, et a conserver l’autre, en brunoise, pour faire ces variations de consistance.

Enfin il y a ce que certaines recettes nomment de la « levure », ou de la levure chimique, ou du bicarbonate. Tout cela n’est pas la même chose.

La levure, c’est pour obtenir une fermentation assez longue, comme dans le pain : ce n’est pas souhaitable ici. En revanche, la poudre levante, fautivement nommée « levure chimique », produit un dégagement de gaz rapide quand elle est chauffée en présence d’eau. Ce qui est le cas pour les accras.
Le bicarbonate ? Personnellement, je trouve qu’il donne un goût savonneux désagréable, mais, surtout je vois qu’il est contre-indiqué dans les recettes qui contiennent du jus de citron ou du jus de citron vert, parce que parce que la réunion du bicarbonate et de l’acide provoque aussitôt une effervescence qui sera perdue si l’on laisse la pâte reposer avant la friture. Il vaut bien mieux la poudre levante, donc.

Et c’est ainsi que je n’ai guère besoin de recette pour faire la préparation.

Mais je ne veux pas terminer ce billet sans évoquer la cuisine note à note, cette cuisine de synthèse qui fait usage de composés purs au lieu des ingrédients classiques que sont les poisson, légumes, viande ou fruits.
Pour une recette note à note, apparentée aux accras de morue, on partira d’eau, de protéines thermocoagulables, d’amidon, on ajoutera de la poudre levante et des composés qui donneront de la saveur, de la couleur, de l’odeur, du piquant et du frais…

On formera de petites masses de cette pâte, et, en faisant une friture classique, on obtiendra  des objets qui s’apparenteront en tous poins à des accras de morue, à cela après que le goût sera tout à fait original et sur-mesure.

Hervé This
Hervé This Labo

Hervé This – Photo DR

Accra s’écrit ACCRA ou ACRA !